Histoire de l'Art - Histoire d'une oeuvre
Dans cette rubrique, vous retrouverez plusieurs oeuvres pour lesquelles vous découvrirez leur histoire, leur contexte historique et artistique. Une autre manière d'entrer dans l'histoire de l'art..
Exposition d'élèves de 6ème aux portes ouvertes de l'ENSA (Les Beaux Arts) à Dijon
Exposition d'élèves de 6ème
aux portes ouvertes de l'ENSA (Les Beaux Arts) à Dijon
Dans le cadre des journées Portes Ouvertes de l'ENSA (Ecole Nationale Supérieure d'Art de Dijon), autrement les Beaux Arts, la classe de 6ème de SHAAP du collège des Lentillères (Classe à Horaires Aménagés Arts Plastiques) a présenté une exposition des oeuvres réalisées par les élèves.
En quoi, cela concerne-t-il l'école des Cèdres de Quétigny ? Tout simplement parce qu'une ancienne élève y est inscrite et a participé à ce travail. En effet, depuis le mois de septembre 2017, Sarah J., comme les autres camarades de cette classe, bénéficie et est actrice des travaux de ce groupe un peu particulier où les arts plastiques y sont très développés. Entre ateliers au sein même du collège sous la direction du professeur d'arts plastiques, avec des intervenants du Consortium et de l'ENSA, avec des visites et des ateliers dans ces hauts lieux de l'art à Dijon, les enfants de cette classe peuvent développer toutes leurs capacités créatives, individuellement et en groupe. Les oeuvres présentées à l'ENSA étaient là pour en témoigner.
Elles étaient à la hauteur de l'ensemble des travaux d'étudiants qu'on pouvait découvrir dans l'ensemble du bâtiment.
Ces journées Portes Ouvertes, au-delà des inscriptions potentielles pour l'année suivante, ont montré combien l'art est essentiel dans le monde d'aujourd'hui, comme il est libérateur d'énergie et de création. Il n'est pas étonnant que cet art contemporain ait pris tant de place dans notre quotidien urbain et même rural. Notre environnement n'est plus seulement fonctionnel. Une ville, un village, des voies de circulation, des lieux de travail trouvent dans l'art une autre respiration qui permet de donner à la vie un souffle différent, une manière de regarder ce qui nous entoure d'un autre oeil, en prenant le temps de vivre ces lieux a contrario du rythme que le monde professionnel impose souvent.
Que de jeunes enfants puissent participer à cet élan créatif est un vraie chance. Cela amène à une réflexion différente sur le sens de nos vies, sur notre lien aux autres, sur l'idée qu'on peut se faire de ceux qui nous entourent, sur l'avenir de notre monde. Au-delà de l'art, il est aussi question de citoyenneté. L'art n'a pas comme unique but de parler de beauté (d'ailleurs est-ce réellement son but ? Et, de plus, qu'est-ce que le beau ? Vaste question...), mais surtout de nous interroger sur la signification de nos existences au travers des émotions, des images qui bousculent ou nous interpellent par les formes et les couleurs, par l'incongruité et parfois une forme de désordre qui s'oppose à l'ordre établi.
Vous pouvez retrouver l'esprit du travail de cette classe de SHAAP du collège des Lentillères dans la galerie-photos qui suit
Et voici quelques images des oeuvres présentées par les étudiants de l'ENSA lors de ces journées portes ouvertes
Histoire d'une oeuvre / "Le Cri" - Edvard Munch - 1893
Le Cri
Edvard Munch – 1893
Technique – Tempera sur carton (une des cinq versions)
Dimensions :
Galerie Nationale d’Oslo (Norvège) – Nasjonalgalleriet, Oslo
Le tableau (plutôt les tableaux)
Voici un tableau connu mondialement. L’expression du personnage central a donné lieu à des explications multiples qui ont encore des échos pour l’humain d’aujourd’hui.
Le Cri (Skrik en norvégien) est une œuvre qualifiée d’expressionniste. Edvard Munch, son auteur, est norvégien. Ce tableau existe en cinq versions dont trois à la peinture, une au pastel et une autre en lithographie.
Edvard Munch exécuta donc cinq versions de son œuvre majeure. La plus célèbre est la tempera sur carton.
Le terme tempera ou tempéra ou bien encore tempura (du latin : temperare, « détremper ») désigne une technique de peinture basée sur une émulsion, qu'elle soit grasse ou maigre : peinture « a tempera ». Pour préciser la nature de l'émulsion, on énonce simplement les composants : tempera à l'œuf, tempera grasse à la colle de peau, etc.
La version tempera du Cri de Munch se trouve au Musée Munch d’Oslo. Elle mesure
Une troisième version est une propriété du musée Munch.
Quant à la quatrième, elle appartenait au milliardaire norvégien Petter Olsen avant qu’elle ne soit vendue le 2 mai 2012 à un acheteur anonyme pour la somme rondelette de 119,92 millions de dollars (soit environ 102 millions d’euros). C’est un record qui dépasse le « Nu au plateau de sculpteur » de Picasso (106,5 millions de dollars).
La cinquième version du Cri est une lithographie de 1895 qui est exposée à Berlin.
Le paysage en arrière-plan représente le fjord d’Oslo, vu d’Ekeberg.
Symbolique et interprétation
Cette œuvre est donc classée comme expressionniste.
En réaction à l’impressionnisme, l’expressionisme est un courant artistique et pictural (né en Allemagne en 1905) qui se veut antinaturaliste et qui cherche à explorer les méandres de l’âme humaine avec une fascination particulière pour la mort, pour les complications de l’esprit dans des paysages angoissants avec des visages torturés.
La vie d’Edvard Munch peut expliquer en partie ce parcours artistique puisque le jeune enfant né en 1863 à Loten, a vu dés l’âge de 5 ans, sa mère et sa sœur mourir de la tuberculose. Et très tôt, il explorera, par le dessin, les faces les plus sombres de l’existence et la solitude humaine.
Le Cri symbolise l’angoisse existentielle de l’homme moderne, la difficulté de se trouver une place dans le monde contemporain. Ce cri tragique a été poussé dans la société scandinave, conformiste, puritaine et bourgeoise de la fin du XIXème siècle.
Si le tableau marque encore les esprits au XXIème siècle, c’est que la question qu’il aborde est encore d’actualité, autrement, dans des sociétés où la machine prend de plus en plus de place, où la place de l’humain est remise en question, autant dans ses rapports au travail que dans ses liens avec ses congénères. La question de l’oppression en opposition à la liberté de l’être prend son sens autant dans les sociétés d’hier que dans celles d’aujourd’hui.
En ce sens, entre autres, le tableau n’a rien perdu de sa modernité. On pourrait même dire qu’il est intemporel.
Quelques mots de Munch
Le 22 janvier 1892, Edvard Munch a écrit ses quelques mots qui donnent un éclairage plus précis sur son œuvre :
« Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout à coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété – je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. »
Contexte de l’époque
Un professeur d’astrophysique du Texas a analysé le rouge flamboyant de ce coucher de soleil. D’après lui, il aurait été vraisemblablement provoqué par les cendres émises lors de l’éruption du volcan Krakatoa en 1883, un volcan indonésien en forme d’archipel, situé dans le détroit de la Sonde entre Sumatra et Java. Ses études tendraient à montrer des liens de date entre ce phénomène naturel et les impressions exprimées de Munch.
Par ailleurs, on peut remarquer de grandes ressemblances du personnage central du tableau avec une momie chachapoyas du Pérou. L’historien d’art, Robert Rosenblum, rappelle que Munch aurait découvert cette momie lors d’une exposition à Paris et aurait pu s’en inspirer pour la première version de son Cri. Cette momie a aussi servi d’inspiration pour Paul Gauguin.
Vol du Cri
Le tableau sera volé le 12 février 1994. Trois mois plus tard il est proposé au gouvernement norvégien contre une rançon de 1,2 million de dollars. L’offre est refusée. Finalement, il sera retrouvé le 7 mai 1994 lors d’une descente de la police norvégienne en collaboration avec la police britannique et le Getty Center (musée du milliardaire Jean-Paul Getty, situé à Brentwood, Los Angeles. Jean Paul Getty a fait fortune dans l’exploitation du pétrole avant de créer sa fondation artistique, la Fondation Getty et son musée doté d’un fonds de fonctionnement de 700 millions de dollars).
Les responsables de ce vol seront condamnés en août 2004 à des peines de prison allant de 5 à 10 ans. L’un d’entre eux est mort d’une surdose d’héroïne en 2006.
Influence du Cri dans la peinture contemporaine
Le peintre islandais Erro (de son vrai nom, Guðmundur Guðmundsson) a fait plusieurs détournements de tableaux célèbres dont celui d‘Edvard Munch le Cri en 1967.
Le personnage de Ghostface dans les films d’horreur Scream présente un masque inspiré du cri de Munch.
Même la série télévisée Les Simpson montre à plusieurs reprises le tableau, surtout en parodie.
On retrouve même le Cri dans un album récent d'Astérix
On retrouve Le Cri dans le Street Art comme ici en Allemagne
"Condamné à l'agonie" - Graffiti librement inspiré du tableau de Munch près d'une voie de chemin de fer entre Sehnde et Lehrte (Allemagne)
Le Cri se retrouve aussi dans la musique avec la célèbre image du l'album et du film The Wall des Pink Floyd
Même la nature dans des ressemblances aléatoires nous parle du Cri, comme cet arbre photographié au début des années 2000.
En fait, cette œuvre reconnaissable de tous a été moult fois détournée ou parodiée, montrant par là même son actualité toujours présente. Si, dans le détail, chaque interprétation des détournements ou parodies peut être différente, dans le fond, cela repose toujours la même question existentielle de la place de l’humain sur notre planète.
Voici donc une œuvre qui peut être à la source d’une multitude de réflexion, de débats et de questionnement sur l’avenir de l’homme.
Autres parodies
Version Mickey
Version Le Chat
Version Joker
Version Minion
Version Tintin et Milou
Et pour les petits et mêmes les grands enfants, même s'ils sont adultes, le coloriage à imprimer
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Un film de Sebastian Cosor (2010),
réalisateur et créateur d'effets spéciaux pour le studio SafeFrame
sur une musique de Pink Floyd
Histoire d'une photo célèbre / "Lunch atop a Skyscraper" - 1932
"Lunch atop a Skyscraper"
(déjeuner en haut d'un gratte-ciel)
C’est un des plus célèbres photos des Etats-Unis d’Amérique. Tout le monde l’a vu au moins une fois si ce n’est un des innombrables détournements qui ont été réalisés pour des publicités ou autres visées médiatiques.
On y voit 11 ouvriers tels des funambules assis sur une poutre au 69ème étage d’un gratte-ciel en construction à New-York en 1932. Nous sommes exactement le 20 septembre. Au-dessous, le vide vertigineux et la ville à
Huit décennies plus tard, cette image n’a rien perdu de sa force, de son mystère. Elle apparaît comme le cliché du rêve américain, un pays qui construit toujours et toujours, et de plus en plus haut.
Ces célèbres travailleurs de l’acier, une cigarette à la bouche, sont restés longtemps anonymes. On ne connaît même pas avec certitude le photographe qui a immortalisé cette scène. C’est d’autant plus étonnant que c’est l’archive la plus demandée auprès de l’agence Corbis, bien avant le cliché d’Einstein tirant la langue. Depuis presqu’un siècle, tous les fantasmes circulent sur le nom des ouvriers et du photographe.
En fait, même si la situation est bien réelle et sans trucages, il s’agit d’une publicité pour le futur building du Rockefeller Center (cela n’a été dévoilé qu’en 2012). Certains ont pensé à tort qu’il s’agissait de la photo de l’Empire State Building.
C’est dans le New-York Herald Tribune que la photo est parue le 2 octobre 1932. L’objectif ? Vendre des espaces de bureau dans ce futur grand complexe au style Art déco.
Sa construction a nécessité la présence de 4.000 ouvriers qu’on payait alors 1,50 $ de l’heure. L’Amérique était dans une grande dépression suite au krach de 1929 et malgré le risque évident de ce travail, il était difficile de refuser un tel emploi. Statistiquement, cette construction a comptabilisé un mort par tranche de 10 étages.
Qui a pris cette photo ? A un certain moment, elle a été attribuée à Charles Clyde Ebbets.
Le patron de ce projet de construction, le magnat du pétrole John Davison Rockefeller, avait envoyé un groupe de photographes sur la tour pour faire la promotion d’un rêve immobilier nommé « city within a city », en gros « une ville dans la ville ».
Trois photographes étaient présents sur les lieux : Charles C. Ebbets, Thomas Kelley et William Leftwich. Plusieurs clichés de cette époque les montrent en train de cibler le bâtiment. Donc, de toute évidence, l’un des trois doit être l’auteur de ce « Lunch atop a Skyscraper ».
Le cliché n’était pas personnellement crédité quand l’agence Corbis a racheté les archives de l’agence Bettman/Acme, notamment parce que dans les années 50, ce n’était pas dans les habitudes de créditer les photos.
En fait, d‘autres images prises à ce moment par ces photographes attestent avec un grand degré de certitude que l’un d’eux est l’auteur du cliché, entre autres un montrant des ouvriers nonchalamment endormis sur une poudre de métal avec un pied et une main dans le vide. Cette photo provient d’une agence concurrente International News Photo.
La fascination que provoquent ces images est considérable car, en plus du cadrage et de la puissance qu’elle dégage, elle raconte aussi une histoire, celle de la construction de l’Amérique qui cherche à se relever du krach de 1929, une image positive pour remonter le moral en berne. L’historien Ken Johnstone dit : « "N’oubliez pas que nous sommes à l’époque de la Grande Dépression. L’image devait capturer l’imagination du public, et aussi peut-être faire penser que le pire de la crise était passé."
Dans un certain sens, derrière le cliché publicitaire, c’est une image de « propagande » sur le rêve de l’Amérique qui a fait traverser l’Atlantique à des milliers d’émigrants. Le succès planétaire de cette photo porte aussi cette part d’explication.
Il y a une autre question qui a traversé l’esprit de nombreux curieux.
Qui sont ces funambules sans nom qui semblent si à l’aise sur leur poutre ?
De nombreux enfants ou petits-enfants d’émigrants irlandais ont cru reconnaître un parent ou un grand-parent. Mais ils n’ont jamais pu le prouver.
Deux documentaristes d’origine irlandaise, Sean O Cualain et son frère Eamonn se sont lancés dans une enquête à ce sujet : mettre un nom sur chaque visage des ouvriers de ce Lunch atop a Skyscraper.
Ils ont commencé en 2011 alors que Sean tombe sur une image de ce fameux Lunch sur le mur d’un vieux pub, le Whelan, à Shanaglish dans le comté de Galway en Irlande. Il est indiqué en dessous que deux des ouvriers s’appellent Sonny Glynn et Mathy O’Shaughnessy. Le patron du bar leur explique que les deux hommes en question sont originaires du village de Shanaglish, qu’ils ont émigré à New-York dans les années 20 et que cette photo lui a été envoyée par Pat Glynn, résidant actuellement à Boston.
Les deux frères O Cualain partent aux Etats-Unis d’où ils reviendront un an plus tard avec un documentaire sur le sujet et intitulé « Men at Lunch » comme pour paraphraser l’expression Men at work. Le documentaire a été présenté au Festival du film de Toronto en 2013.
Les frères irlandais ont ainsi farfouillé dans les archives du Rockefeller Center, aussi en Pennsylvanie, dans les archives de l’agence Corbis, un entrepôt situé à
Au jour d’aujourd’hui, sept ouvriers sur les onze restent encore non identifiés malgré les appels à témoin lancés par les deux frères irlandais.
Mais, en fait, pour ces derniers comme pour tout le monde, cela permet de garder la magie de cette photo qui a fait le tour du monde. Elle hante l’imaginaire collectif au point d’avoir copiée, reproduite en sculpture à New-York par l’artiste Sergio Furnari, détournée aussi de multiples fois. Vous trouverez en dessous plusieurs exemples de ce type.
Version sculptée de Sergio Furnari à New-York
Quelques détournements de ce cliché
Publicité pour Volskwagen
La Cène à Manhattan
Version personnages Lego
Version sans poutre
Vidéos
Construction du Rockefeller Center - 1932
Bande Annonce du documentaire "Men at Lunch"
Documentaire Men at Lunch
(D’après un article du Nouvel Obs)
Les yeux de l'art
LES YEUX DE L’ART
Semur-en-Auxois, revue et corrigée
Que ça fait du bien quand les yeux de l’art et des artistes se penchent sur ce monde !
Pourtant l’art n’a rien de fonctionnel, et heureusement, il n’est pas fonctionnel. Il se penche sur l’humanité et sa Terre en s’attardant sur les bords de chemin, sur les taillis sauvages, sur les marges qui parlent autant de la route que si on se trouvait en son milieu balisé. Car la route balisée n’a de sens que parce qu’elle est signifiée par ses bordures qui ouvrent sur d’autres paysages, sur les possibles que la raison ignore, sur les espoirs qu’on exclut par ignorance.
Et l’art combat l’ignorance par le ressenti à fleur de peau, en battements de cœur et en émotion.
L’art est un vagabond qui traîne sur les bas-côtés, qui s’émerveille des lumières et des ombres, qui vit de plongée et de contre-plongée, de vagues et d’ondulé contre l’horizontalité des regards bardés d’œillères.
L’art ignore la peur, ou la vainc en l’utilisant comme une énergie créative.
La peur, la faim, la douleur deviennent colère et combat, mouvement et création.
L’art naît de l’esprit libre. Il ne peut être détruit. Car s’il meurt quelque part, il renaît ailleurs chez quelqu’un d’autre. Un relais dans le temps et l’espace, du passé au futur, d’un continent à l’autre. Il suffit d’un seul humain vivant pour reprendre le flambeau.
L’art ignore les frontières. Son univers est aussi grand que l’humanité entière, même au-delà.
Il est né avec le premier homme et se terminera avec le dernier vivant.
L’amour, la fraternité, les mains tendues sont des mots de son univers, sans exclusive, sans compétition, sans concurrence, hors des carcans de religiosité, hors des valeurs comptables de mécène. Il suffit de saisir ses propos, sa réactivité, ses élans.
"Docteur Folamour" de Stanley Kubrick, «Hiroshima mon amour» de Alain Resnais, «Godzilla» (le 1er opus japonais), chacun à leur façon, disaient déjà l’enfer et la folie nucléaire longtemps avant Tchernobyl et Fukushima. Et quand les drames se sont réellement produits, les images de l’art ont refait surface pour mieux parler du réel, comme une mémoire déjà présente de ce qui n'était pas encore, mais qu'on savait pourtant possible, peut-être inéluctable.
L’art parle d'ailleurs souvent avant le constat du réel. Une proclamation de ce qui est heureux, ou peut l'être, ou bien encore une prise de conscience de ce qui menace, de ce qui condamne.
Les écrivains et les poètes promènent leurs chants de mots en prose ou en vers dans les prairies des âmes vagabondes, dans le creuset des douleurs oubliées, dans les chroniques de vie qui ne sont plus d'actualité, dans les songes d'une vie meilleure à laquelle chacun en ce monde aspire.
Comédies et tragédies de fiction évoquent l’humanité dans ses grandes épopées ou ses petites histoires qui font la grande mémoire du monde.
Le théâtre, comme celui de Bertolt Brecht, amène le spectateur à avoir un regard critique. Il suscite la réflexion et le jugement plus que l'identification, que ce soit par le rire ou les larmes.
Les scénarii hollywoodiens des films catastrophes pensaient déjà le 11 septembre bien longtemps avant le 11 septembre. Entre une tour infernale en feu et un requin tueur sur les côtes américaines du Pacifique, émerge le même personnage d'une société qui détruit, dans un spectacle où l'on ne voit d'abord que les trucages les plus performants.
Les comédies sociales britanniques font rire autant qu’elles émeuvent de ces petites vies presque sans importance qui disent que les « héros » sont des gens ordinaires avec des besoins presque ordinaires dans une situation placée sur le terrain artistique de l’extraordinaire.
Le commun devient singulier, l’anodin devient essentiel et dans les yeux de ces gens de passage, inspirés des artistes, surgit le rêve, l’envie d’aller plus loin, alors que la normalité de l’existence mise en tiroirs voudrait les en limiter.
Et ces gens de passage, êtres de fiction ne sont que des semblables, presque clones, à ces vraies personnes dans la vraie vie qui disent et qu'on n'entend pas. L'art cinématographique leur donne la parole à haute voix.
Les œuvres picturales ou sculptées nous entraînent dans le mouvement des couleurs, dans les champs en relief de premier plan en arrière-plan, vers ces contrées que chacun s’invente.
La musique et la danse nous offrent les tourbillons de vie qui nous sortent de l’immobilité qu’on nous impose malgré la façade des belles idées vidées de leur sens.
Les photographes posent leur caméra sur des instants de lumière inattendue, sur des portions de paysages qu'on n'avait pas vues, sur des cadrages décalés qui disent le monde autrement, sur des scènes de vie qui émerveillent, interrogent ou bouleversent.
L’art donne de la profondeur au regard. Il fait voir l’invisible, il fait vibrer le moindre frisson, le plus petit souffle de vent et de couleur.
La vie sans l’art, c’est comme un océan sans houle et sans écume.
P. M.
Tags et graffitis / "Occupation Visuelle" de Jean-Baptiste Barra et Timothée Engasser
Occupation visuelle
Les tags et les graffitis font maintenant partie de notre environnement visuel urbain. De plus en plus, on les retrouve dans les villages ou dans les campagnes, sur des bâtiments isolés, perdus au milieu de nulle part.
Généralement, ils sont considérés au même titre que les déchets, les saletés ou les crottes de chien. En clair, dans l’inconscient collectif, ils font partie des salissures de la ville.
Mais de quelle ville parle-t-on ?
Celle qui « fonctionne » : celle qui travaille, transporte, loge, consomme et occasionnellement s’amuse ?
Celle qui montre aux touristes son apparat, sa beauté flamboyante, son passé glorieux, ses bâtisses qui impressionnent, celle qui se doit d’être propre ?
Celle qui se cloisonne en quartiers selon la richesse de ses habitants ?
Au-delà du jugement que chacun peut porter sur ces traces à la peinture sur les murs de la ville, il est intéressant d’aller plus loin que l’apparence. Au même titre que le Street Art, les tags et les graffitis ont peut-être quelque chose à nous dire de nos villes, de nos façons de les vivre, de nos manières de vivre ensemble.
Ce sont ces questions que se sont posés deux étudiants, Jean Baptiste Barra et Timothée Engasser, de l’Ecole Supérieure d’Audiovisuel (ESAV), en Master Recherche de l’institut Pluridisciplinaire pour les Etudes sur les Amériques (IPEAT) de l’Université de Toulouse Jean-Jaurès.
Leur recherche les a amenés à Santiago du Chili pour l’un et São Paulo pour l’autre, à la rencontre des graffeurs, ceux qui se cachent derrière les « écritures urbaines », les tags, les graffitis, la pixação au Brésil.
Ils en ont édité un magnifique ouvrage de textes et surtout de superbes clichés en noir en blanc, intitulé « Occupation Visuelle » (Editions Ombù, collection Empreintes, prix : 20 €).
Il s'agit d'un ouvrage au montage original qui peut se lire en commençant d'un côté ou de l'autre. La une blanche évoque Santiago, la une noire, São Paulo. Les deux parties se rejoignent en centre du livre dans un texte croisé en blanc sur noir, et noir sur blanc.
Ce que nous apprenons de Santiago ou Sao Paulo, au-delà des spécificités de ces villes et de la culture sud-américaine, c’est que, partout dans le monde, derrière les graffitis et les tags, se cache une pensée qui a du mal à se faire entendre. C’est une langue souvent incompréhensible autant par les signes utilisés que par l’intention sous-tendue. Et pourtant, elle dit quelque chose de la ville, de nos vies, plus généralement de nous dans la ville.
L’apparence résiste difficilement aux assauts des sans-voix qui, hors de l’art officiel, hors de l’expression traditionnelle, ont choisi les murs comme espace d’expression (espace gratuit), comme une liberté transgressive de dire qu’ils existent eux aussi, souvent en contestation de l’ordre établi. Leurs gestes parfois maladroits sont une suite de répétitions, d’essais à la recherche d’une calligraphie qui représente leur véritable personnalité visible aux yeux du monde.
Le travail de Jean-Baptiste Barra et Timothée Engasser montre bien que le vandalisme apparent n’est alors qu’un brouillard masquant des besoins d’exister dans un monde souvent fait d’exclusion à force de vouloir être seulement fonctionnel et normatif, dans des villes toujours plus contrôlées où les habitations individuelles et collectives sont de plus en plus fermées par des murs et des grilles automatiques gérées par les nouvelles technologies.
Le tag et le graffiti donnent d’autant plus cette impression d’avoir été relégués que le Street Art a maintenant trouvé sa place et a souvent été récupéré par les villes comme un art officiel avec ses artistes reconnus, ses festivals urbains, ses grandes fresques qui embellissent des bâtiments sans relief.
La tradition du muralisme chilien (peinture murale d’engagement politique très populaire après la victoire électorale de Salvador Allende en 1970, puis d’opposition et de résistance à la censure du régime du général Pinochet) a aussi influencé les politiques urbaines durant ces dernières années. Le muralisme a ainsi apporté un tourisme friant d’un Street Art national lié à l’histoire du Chili. Les municipalités sont alors amenées à faire le tri entre les « bonnes » écritures murales (souvent du gigantisme figuratif) et les inscriptions indésirables.
Un des graffeurs rencontrés par Jean-Baptiste Barra explique clairement ce point de vue. Treis (c’est son pseudo) dit : « Je crois que le tag, en général, est détesté dans le monde entier. Parce que dans le tag, il y a presque toujours quelqu’un qui va arriver à un extrême… Il y a toujours quelqu’un qui va taguer un monument, un édifice officiel. Parce qu’il y a toujours quelqu’un qui a, je ne sais pas, quelque chose à dire, qui est contre ce système et veut le détruire. Quelqu’un qui est en colère (…). Le tag est détesté parce qu’il perturbe trop le schéma mental que les gens ont d’une ville propre. »
Le nettoyage régulier des murs tagués est à l’image de ce constat et de cette ambivalence dans une ville où l’expression murale fait partie de son histoire.
A São Paulo, les pixadores que Timothée Engasser a rencontrés expriment la même chose. Leur particularité, c’est d’avoir inventé comme une sorte de langue particulière, d’étranges écritures noires monochromes qui tapissent l’espace urbain. Ces signes imposent à la vue de tous des « feuilles » d’écriture qui disent la révolte évidemment, la transgression mais aussi la subjectivité de l’art, l'opposition à la marchandisation du monde.
Plus que cette écriture, c’est aussi la manière de la poser qui a son importance. Par des prises de risques parfois inouïes, les pixadores (au risque de tomber et se tuer) balisent la ville de leur graphisme en ordre vertical, en superpositions semblant raconter une histoire incompréhensible. La volonté de déranger l‘ordre établi est évidente.
Les pixadores composent des chorégraphies horizontales et verticales pour se réapproprier la ville dans une forme de contestation plus ou moins avouée.
Comme à Santiago, comme dans les autres villes du monde, les voix qu’on n’entend pas s’expriment autrement. Et c’est peut-être là qu’on peut s’interroger sur la façon qu’a une société urbaine de faire taire une partie de ses habitants. Ce monde actuel de l’argent est un monde de quelques gagnants et de nombreux perdants qui existent pourtant et qui ont besoin de s’exprimer, tout simplement d'exister.
L’ouvrage de Jean-Baptiste Barra et Timothée Engasser ouvre des portes à une autre réflexion, une meilleure compréhension des phénomènes urbains. Ils amènent le lecteur à se reposer la question de son lien aux autres, à tous les autres, même ceux qui, d’emblée, ne paraissent pas compréhensibles.
Cette question est celle qui se pose pour le monde d’aujourd’hui dans son ensemble. Alors que partout, chacun se referme sur soi par peur de l’autre, ne serait-il pas urgent d’aller à la rencontre de ceux qui ne nous ressemblent pas pour apaiser les relations tumultueuses entre les peuples, entre les états, entre les humains en général ?
Les graffeurs de Santiago comme les pixadores de São Paulo disent à leur manière les carences du monde d’aujourd’hui.
« Occupation Visuelle » de Jean-Baptiste Barra et Timothée Engasser
Editions Ombù, collection Empreintes, 20 €
Histoire d'une oeuvre / "Oiseaux de nuit" - Edward Hopper (1942)
Huile sur toile, 84 x
Edward Hopper est considéré comme un des principaux représentants du courant naturaliste ou de la « scène américaine ».
Au début du XXème siècle, Edward Hopper fit plusieurs visites à Paris où il découvrit de nombreux artistes comme les maîtres néerlandais (Rembrandt par exemple et sa « Ronde de Nuit » qu’il appréciait tout particulièrement). Il choisira de ne pas suivre ses contemporains dans leurs expériences cubistes et préfèrera l’idéalisme de peintres réalistes comme Gustave Courbet ou Jean-François Millet. On note cette influence dés ses premières œuvres.
Son célèbre tableau « Oiseaux de nuit », lui, a été très influencé par deux autres peintres impressionnistes Edgar Degas (dont il était un grand admirateur) et Edouard Manet. Grâce à eux, il mit en œuvre la tension dramatique qu’on perçoit dans la distance entre les différents éléments du tableau. Cette distance laisse un espace mental au spectateur pour qu’il puisse y placer ses propres interprétations.
Entre 1913 et 1923, l’artiste travaille comme illustrateur de magazines. Il n’aime pas du tout ce travail. Cependant cela lui permet de perfectionner ses capacités de composition des éléments d’un tableau. Il apprend aussi à épurer ses traits.
« Oiseaux de nuit » est un tableau réaliste d’une grande sobriété. En dehors de la multitude discrète de détails dans le bar allumé, le reste ressemble à un vide apparent.
Le spectateur concentre naturellement son regard sur le « dîner » inspiré d’un restaurant de Greenwich Avenue à New-York. Les néons fluorescents constituent l’unique source de lumière du tableau. Ce bar est décalé sur la droite de l’œuvre, donnant ainsi à penser qu’il n’est pas au centre de l’intérêt de la peinture. Car le centre du tableau attire plutôt le regard vers la rue sombre, déserte, vide de mouvement, éteinte dans tous les sens du terme. Et si on considère que l’intérieur du bar représente la vie, alors celle-ci apparaît dans une profonde solitude. En dehors du barman qui regarde un des clients, les trois personnages ne se parlent pas, ne se regardent pas. Ils semblent absorbés et plongés dans leur pensée, comme si l’autre n’existait pas.
On retrouve ce type de personnages dans d’autres tableaux d’Edward Hopper, l’image d’une certaine Amérique où les gens sont étrangers l’un à l’autre, un monde moderne marqué par la solitude et l’isolement, par l’individualisme.
On qualifie souvent le travail d’Hopper de « cinématique » en raison du fort contraste entre la lumière et l’ombre qui rappelle l’atmosphère des films noirs de cette époque.
Le sociologue Richard Sinnett parle à ce sujet du « paradoxe de la solitude en pleine visibilité ». L’Amérique des années 30-40 vue par Hopper est emplie de gens qui se côtoient sans vraiment communiquer ensemble. Le travail d’Edward Hopper touche encore aujourd’hui, nous émeut parce qu’il dit en précurseur le monde du XXIème siècle où la communication par portable, écrans et messageries nous replonge dans l’isolement et le vide de chacun, pourtant côte à côte en pleine lumière. Cette Amérique des années 30-40 préfigure notre Occident d’aujourd’hui.
Les détails du tableau
La partie gauche du tableau représente la rue vide et les magasins fermés. On remarque quelques ombres dans les vitrines dont une caisse enregistreuse à peine éclairée. De même, on devine des formes aux fenêtres. Un objet ? Une personne ? Un vêtement ? Difficile à dire. Juste l’idée qu’il y a une vie endormie derrière cette fenêtre.
Hopper aimait travailler les effets de lumière sur les objets. On retrouve ce type d’approche dans « Nuit dans le parc » (1921) et « Fenêtres nocturnes » (1928)
Edward Hopper – Nuit dans le parc (1921)
Edward Hopper - Fenêtres Nocturnes (1928)
Les deux clients
Même s’il n’y a pas beaucoup d’intimité entre l’homme et la femme, tous les deux semblent proches du fait du vaste espace qui les entoure. Ils sont proches et éloignés à la fois, comme deux étrangers qui ne savent pas communiquer entre eux. Ce sont peut-être les « Oiseaux de Nuit » qui donnent le titre au tableau, des clients insomniaques (maladie du monde moderne) ou des rapaces en quête de proie.
Les deux percolateurs
Ils constituent le pendant inanimé aux deux personnages qui sont assis derrière le zinc. Deux humains comme deux machines. L’éclat vif des percolateurs comme le rouge vif de la robe de la femme. Les percolateurs semblent, par leur taille et leur positionnement, avoir autant d’importance que les personnages.
Salière et poivrier…
C’est avec un réalisme très minutieux qu’Edward Hopper a peint la salière, le poivrier et les serviettes, le sandwich et les tasses. Ce sont peut-être ces éléments qui donnent la vie dans ce bar. Posez vos doigts sur ces petits détails et remarquez comme le débit de boissons devient d’une tristesse absolue, presqu’un musée de cire.
Le troisième client
Il a le dos tourné. Son regard est fixé droit devant, à demi plongé dans l’obscurité. Cet homme passe presqu’inaperçu au premier regard sur le tableau. Et pourtant il est un élément important de l’œuvre, lui donnant une part supplémentaire de mystère, l’impression d’une réalité opaque. On imagine sans vraiment voir.
"Oiseaux de Nuit" - Parodies et détournements
Version Tintin et Milou
Version Star Wars - La Guerre des Etoiles
Version prédateur
Version Play-Mobil
Version fantastique
Version religieuse
Version Espace
Version Star Trek
Version Simpsons
Version Super Héros
Version Animaux
Version requins
Version Fin du Monde
Intégration dans une photo
Version Cinéma - Wim Wenders "The End of violence"
Coloriages
"Oiseaux de nuit" animé
Autres tableaux d’Edward Hopper
Chambre à New-York (1932) - Edward Hopper
Compartiment C (1958) - Edward Hopper
Conférence nocturne
"Gayle in the train" - Edward Hopper
Route dans le Maine (1914)
Port de Gloucester (1912) - Edward Hopper
Summertime ( Edward Hopper)
"Jeune fille à la machine à coudre" (1921) - Edward Hopper
Portrait d'Orleans - Edward Hopper
Autoportrait - Edward Hopper
Soir bleu (1914) - Edward Hopper
"Sunlight in a cafeteria" (1958) - Edward Hopper
Là où se trouvait l'atelier d'Edward Hopper à Washington
Histoire d'une oeuvre / "20 Marylin" - Andy Warhol -1962
"Andy Warhol "20 Marylin" - Sérigraphie - 197 X 116 cm - Collection Particulière
Marylin Monroe (née en 1926) meurt en 1962, à l'âge de 36 ans, devenant par là même une icône intemporelle du cinéma mondial et même au-delà du cinéma.
Son décès intervient en pleine période de développement du Pop Art, ce courant artistique qui surfe sur les valeurs de l’Amérique nouvelle, ses produits de consommation de masse, son American Way of Life, ses icônes comme Marylin et Elvis.
(voir article : Le Pop Art, un courant artistique des années soixante)
Aussi, tout naturellement, un des grands concepteurs du Pop Art, Andy Warhol va-t-il entamer plusieurs sérigraphies de la star. Il prendra appui sur des clichés en noir et blanc pris par Gene Korman en 1953 pour le film Niagara.
Andy Warhol utilise la technique de la sérigraphie en transférant l’image de Marylin sur une toile. La sérigraphie permet de reproduire la même image avec, à chaque fois une légère différence. Les variations peuvent provenir de l’encrage, du déplacement de l’écran. Les techniques utilisées par l’artiste sont partiellement maîtrisées par lui mais pas complètement, donnant lieu ainsi à une part d’aléatoire.
Le transfert de l’image a lieu par l’intermédiaire d’un écran de soie sur lequel s’applique l’encre en dosages différents provoquant ainsi des tâches ou des ombres noires qui modifient l’image et lui suggèrent la présence de la mort.
D’autres parties sont retravaillées avec des couleurs criardes (cheveux, lèvres, paupières). Le côté artificiel est amplifié sans que cela ne supprime le réalisme de l’image.
Pendant quatre mois, il réalisera ainsi 20 tableaux inspirés de cette photo, en retouchant à la peinture chaque cliché pour en signifier les différences.
En apparence, la répétition du visage de l’actrice, sujet unique de la toile, pose la question de savoir où se trouve la distinction entre une toile de peinture plus traditionnelle et un simple travail de retouche d’image, c’est-à-dire entre une culture savante de la peinture et une culture populaire.
Il y a certainement beaucoup d’ambigüité dans la démarche d’Andy Warhol. Comme beaucoup de gens, il est fasciné par la beauté, le strass et les paillettes de ces stars hollywoodiennes. En même temps, il cherche à supprimer cette idée de la star idéalisée en la montrant dans une série d’images quasi semblables tel un produit de consommation de masse.
Pourtant, il réintroduit l’acte artistique par le jeu des multiples variations qui différencient chaque visage même d’un détail, d’une petite modification d’encrage, d’un léger ombrage supplémentaire ici ou là.
Au final, l’œuvre n’a plus rien à voir avec les images de papier glacé des magazines. Elle est devenue une toile à part entière.
On a même souvent rapproché ces Marylin d’Andy Warhol des icônes byzantines (l’art ancien du temps de la Constantinople catholique, site de l’ancienne cité grecque de Byzance). L’exemple le plus frappant en est la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul et la flamboyance de son dôme, mais surtout les couleurs brillantes et la présence permanente du symbolisme qui crée une atmosphère mystique. Andy Warhol connaissait parfaitement cette culture, lui qui avait été éduqué et baigné dans la culture byzantine-catholique.
A présent ces Marylin sont devenues à leur tour des icônes.
Au lieu d’abolir les frontières de l’art, elles sont devenues des chefs d’œuvre de l’art occidental à part entière.
Au-delà de l'oeuvre, ces techniques de travail sur la photo a beaucoup été utilisées dans les établissements scolaires, réalisant en partie l'objectif du Pop Art : rendre l'art populaire...
Biographie d’Andy Warhol
Naissance en 1928 dans une famille d’ouvriers immigrés de Pittsburgh (Pennsylvanie)
Il suit une formation d’illustrateur publicitaire au Carnegie Institute of Technology
En 1949, il s’installe à New-York. Il y devient un illustrateur de renom.
En 1962, il présente sa première exposition à Los Angeles. 32 tableaux de ses fameuses boîtes de conserve Campbell’s Soup Can.
A partir de cette année-là, il devient l’un des grands noms du Pop Art. Il se tourne vers le procédé de la sérigraphie.
En novembre 1962, il expose ses tableaux sur Marylin Monroe.
En 1963, il fonde The Factory (« L’Usine »), un atelier situé à Manhattan au 231 East 47th Street. Ce lieu de création devient très vite un endroit de regroupement d’artistes, d’acteurs, de musiciens underground (dont le Velvet Underground de Lou Reed) et toute une faune d’exclus et de drogués.
Dans ce lieu il conçoit de nombreux tableaux basés sur la reproduction en série. La plupart sont réalisés par ses assistants.
Il réalise aussi des films expérimentaux dans lequel apparaissent ses amis (dont Lou Reed).
En juin 1968, une féministe extrémiste Valerie Solanas tire trois coups de feu sur lui. Il en réchappe de justesse. Les séquelles de cette tentative d’assassinat le marqueront jusqu’à sa mort.
Il rompt petit à petit avec la contre-culture radicale et anticapitaliste des années 60.
A partir de 1970, Andy Warhol vend des tableaux aux plus riches et affirme sans honte que l’art consiste à faire des affaires. Enorme provocation sans doute. Mais elle sème le trouble chez ses admirateurs.
Les critiques sont alors divisés sur cette dernière partie de sa carrière : pour les uns, c’est un jeu moqueur, une satire provocatrice de l’art moderne comme du monde moderne. Les autres y voient une dérive impardonnable de ce qui fut son art premier.
Il meurt en 1987 d’une attaque cardiaque après une opération de la vésicule biliaire.
Coloriages à imprimer
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Le Pop Art, un courant artistique des années soixante
Andy Warhol
Le Pop Art, un courant artistique des années soixante
Naissance du Pop Art
"Campbell's Soup Can", célèbre sérigraphie d'Andy Warhol (1964)
Quand on parle de Pop Art, on pense tout de suite à Andy Warhol dans les années 60.
Mais d’où vient ce courant artistique ?
Pour cela, revenons en Grande-Bretagne dans les années 50…
La première fois que le mot Pop apparaît, c’est sur un montage photo de 1956 à la Whitechapel Gallery de Londres, un collage intitulé « Just What Is It that Make’s Today’s Homes So Different, So Appealling ? » ("Juste ce qui fait nos maisons d'aujourd'hui si différentes si attrayantes ?") dans lequel apparaît une sucette avec le mot Pop dessus.
Ce collage est composé d’images issues de magazines américains.
L’auteur de ce collage s’appelle Richard Hamilton (né en 1922). Il appartient à un groupe de critiques, peintres, architectes, sculpteurs, et universitaires britanniques appelé « Independent Group ». Depuis 1952, ils se réunissent régulièrement à l’Institute of Contemporary Arts de Londres. Ensemble ils discutent de la fascination que leur inspire la culture de masse américaine avec ses publicités flamboyantes, sa musique populaire, ses magazines complètement différents, aussi ses bandes dessinées truffées de super héros.
Nous sommes dans une période où les USA voient se développer le rock (Bill Haley and the Comets, Elvis Presley, Chuck Berry), les chansons des crooners comme Franck Sinatra (The Voice), Dean Martin, aussi les musiciens noirs comme Louis Prima, Nat King Cole et Harry Belafonte. C’est l’époque royale de la consommation de masse, le monde et de l’image et de la publicité, l’accès à davantage de confort. C’est l’après-guerre flamboyante des Etats-Unis, nouveaux rois du monde.
L’exposition qui a lieu à la Whitechapel Gallery de Londres en 1956 présente des œuvres qui célèbrent cette culture américaine. D’ailleurs l’accueil de l’expo se fait avec la musique d’un juke-box. Les œuvres présentées (comme celle d’Hamilton) se veulent l’héritage d’une tradition et en même temps une source qui trouve son inspiration dans l’iconographie et les techniques de la culture de masse. En clair : un art populaire (dans le sens « conçu pour un large public »), éphémère (des solutions à court terme), jetable et facilement oublié, bon marché, produit en masse, jeune, spirituel, sexy, plein d’astuces et surtout qui rapporte beaucoup d’argent.
En 1956, à l’époque de cette exposition, le temps du Pop Art n’est pas encore connu. Un critique anglais Lawrence Alloway l’utilisera en 1958.
Mais le monde artistique reste encore indifférent à ce courant marginal dans un univers des arts dominé par l’univers radical et triomphant de l’expressionnisme abstrait américain avec des artistes comme Jackson Pollock, Frantz Kline, Willem de Kooning et Mark Rothko qui nourrissent leurs œuvres de concepts psychanalytiques concernant le mythe, la mémoire et l’inconscient tirés des textes de Carl Jung (1875-1961) ou Sigmund Freud (1856-1939). Ce mouvement artistique a pris de l’ampleur dans les années 40 aux USA à la recherche du geste spontané de l’artiste sur la toile. La façon de peintre a autant d’importance que la toile elle-même. Ce sont souvent d’immenses toiles (Jackson Pollock par exemple) où l’acte de peindre (Action Painting) peut donner lieu à des danses autour de la toile posée au sol, de la peinture qui gicle et qui dégouline.
Jackson Pollock - Convergences
Dans cette atmosphère artistique dominante, les membres de l’Independent Group de l’Institut d’Art Contemporain de Londres passent encore au second plan.
Pourtant aux Etats-Unis, quelques œuvres nouvelles dans le style Pop remettent en question l’hégémonie de l’expressionnisme abstrait. Il s’agit de tableaux de Jasper Johns (né en 1930) dont une série de drapeaux des années 50,
Three Flags by Jasper Johns
ou encore Robert Rauschenberg (1925-2008) avec ses œuvres où s’intègrent des collages de magazines ou des symboles de la société de consommation comme des bouteilles de Coca. Un nouveau langage apparaît ainsi aux USA.
Au début des années 60, le Pop Art devient un phénomène culturel incontournable autant en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis.
En 1961, l’exposition anglaise « Young Contemporaries » fait découvrir de jeunes artistes encore quasi inconnus : David Hockney, Peter Blake, Patrick Caufield ou Derek Boshier.
L'exposition Young Contemporaries en 1961 avec David Hockney et Derek Blake
De l’autre côté de l’Atlantique, en 1962, on voit se tenir les premières expositions de Pop Art. On découvre alors des artistes comme Tom Wesselman, Roy Lichtenstein et surtout un certain Andy Warhol.
Lichtenstein peint d’immenses images inspirées de la bande dessinée, Andy Warhol conçoit des sérigraphies comme Campbell’s Soup Can qui provoquent d’abord l’incompréhension, reposant la question de ce qu’est l’art. Est-ce qu’une boîte de conserve reproduite en série avec des variations de couleurs, c’est de l’art ?
Les amoureux des beaux-arts (qu’ils soient pour ou contre le capitalisme) sont déroutés par cet art nouveau qui colle aux images de la société triomphante de l’argent, un artiste remettant plutôt en question la société alors qu’on se trouvait là dans un concept de proximité extrême avec les supports et les objectifs de cette société matérialiste.
Yoko Ono (femme de John Lennon) disait : « Nous rejetions avec conviction et détermination Elvis et le rock’n roll… Nous nous intéressions à l’art."
Le critique Lawrence Alloway ajoutait : « Nous n’éprouvions pas de dégoût pour la culture commerciale, comme c’était l’usage chez les intellectuels, mais nous l’acceptions comme telle, nous en discutions avec passion et nous la consommions avec enthousiasme. »
Paradoxalement, il arrivera que les tableaux de Pop Art deviennent des critiques de la société de consommation, une dénonciation de la publicité et de ces nouveaux modes de vie « The American Way of Life ».
Les aspects les plus sombres de cette société vont apparaître dans des sérigraphies d’Andy Warhol sur des chaises électriques et des accidents de la route. Ce ne sont encore que des exceptions dans cet univers artistique où les idoles des jeunes (Elvis, Marilyn Monroe) et les objets de consommation sont beaucoup utilisés par ces artistes, une façon de se révolter contre la culture dite « savante » et élitiste, contre le bon goût décidé par les tenants de la pensée dominante.
Clairement, petit à petit, le Pop Art se développera dans l’idée d’une opposition à l’ordre établi avec ce paradoxe d’être une culture plus facile d’accès et qui permet aussi de s’enrichir, à l’image du monde dans lequel ils vivent.
De plus l’iconographie qu’ils pillent pour créer leurs œuvres suscite chez eux respect et admiration, d’autant plus que beaucoup d’entre eux sont à l’origine des photographes, des illustrateurs, des dessinateurs publicitaires.
Andy Warhol, par exemple, a débuté comme illustrateur de magazine. James Rosenquist concevait des affiches publicitaires avant de se tourner vers les Beaux-Arts.
Malgré l’ambition affichée de détruire la barrière entre culture populaire et culture savante, ces artistes n’en restent pas moins des représentants de la seconde catégorie. Leurs œuvres sont exposées dans des galeries, achetées par des gens fortunées et célébrées comme des chefs d’œuvre uniques.
Ces contradictions se retrouvent dans les liens fréquents avec la contre-culture au début des années 70, notamment Andy Warhol avec le Velvet Underground le groupe new-yorkais de Lou Reed.
Il y aura quelques incursions dans la culture populaire comme la couverture de l’album des Rolling Stones « Sticky Fingers » en 1971 par Andy Warhol avec la célèbre braguette (une vraie fermeture éclair dans les premières éditions) ou le collage de Sergent Pepper’s Lonely Heats Club Banden 1967 des Beatles par Peter Blake et sa femme.
En fait le Pop Art ne fut jamais un mouvement cohérent, seulement un mouvement qui réunit des artistes de sensibilités très différentes, aux parcours très variés.
Certains refusent même de se revendiquer comme artistes. C’est le cas d’Andy Warhol soulignant avec provocation que la seule valeur de ses œuvres se trouve dans la valeur monétaire sur le marché surévalué de l’art. Il utilisait cette célèbre formule qui veut tout dire et rien dire : « L’art commercial est de l’art véritable, et l’art véritable est de l’art commercial. »
Le critique Morse Peckham ajoutera en 1967 au sujet du travail d’Andy Warhol : « L’œuvre ne laisse rien à faire au critique, et rien à faire au public, à part l’acheter, s’ils sont assez bêtes pour cela, et ils le sont sans aucun doute. »
Au début des années 70, le Pop Art commence à décliner même s’il reste encore productif. Ses œuvres restent des témoignages éloquents d’un monde du début de la consommation de masse.
Ce fut la première tentative de réflexion sérieuse sur le rôle de l’artiste et de l’œuvre d’art dans un monde saturé par les médias de masse. Marcel Duchamp avait déjà posé la question en 1917 avec son urinoir et son commentaire associé : « Ceci n’est pas un urinoir ».
Les questions posées par le Pop Art à cette époque sont encore pertinentes aujourd’hui, peut-être même encore plus du fait de l’extrême concentration du pouvoir économique.
Le développement très américain de ce courant artistique a presque fait oublier qu’il est né en Angleterre.
Oeuvre de Richard Hamilton
Mao Tsé Toung par Andy Warhol
Sérigraphie Elvis par Andy Warhol
Sérigraphie Elisabeth Taylor par Andy Warhol
Les techniques du Pop Art ont aussi beaucoup influencé les créateurs du XXIème siècle et l'approche des arts visuels à l'école avec notamment le travail sur le collage, l'assemblage peinture et images photos, le travail sur le portrait.
(D'après "Tout sur l'Art, panorama des mouvements et des chefs d'oeuvre")
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Histoire d'une oeuvre / "L'armée en terre cuite" - Chine - Artistes inconnus (210 avant JC)
L’armée de terre cuite
Vers 210 avant JC
Artistes inconnus
Terre cuite et laque
Superficie :
Chine, province de Shaanxi, près de Xian
L'armée de terre cuite a été découverte en 1974 par des paysans qui creusaient un puits. Les archéologues ont pris le relais...
Cette nécropole souterraine fut construite sur ordre du premier empereur de Chine, Qin Shi Hang (259-210 avant JC).
Elle comprenait des salles et d’autres structures entourées de murs fortifiées. L’ensemble de la construction était « protégée » par une armée de 8.000 personnages en terre cuite, enterrée à proximité dans trois tranchées distinctes. Une quatrième a été découverte plus tard mais elle était vide.
La première fosse est la plus grande. Elle contient environ 6.000 soldats (fantassins, chariots et chevaux). Cela représente l’armée principale du premier empereur.
Les soldats sont rangés en formation de bataille, debout séparés par des murs de terre.
A l’origine, les planchers sur lesquels sont posés les personnages étaient pavés et les murs recouverts par des toits.
La seconde fosse abrite 1.400 personnages (infanterie, cavalerie et chariots). D’après les recherches qui ont été effectuées, on pense qu’il s’agit de la garde rapprochée de l’empereur.
La troisième fosse est plus petite. On y trouve 68 personnages sur une surface de
On a découvert des traces d’incendie qui semblent confirmer l’idée d’un pillage du lieu par le général Xiang Yu (232-202 av JC), soit moins de cinq ans après la mort de l’empereur.
Des statues en morceaux ont été reconstituées par une équipe d’archéologues.
Les guerriers sont alignés, debout ou accroupis, avec des tailles, des coiffures et des uniformes différents en fonction de leur rang.
Au départ ils portaient des armes, mais celles-ci ont été dérobées très peu de temps après la mort de l’empereur.
Les officiers sont reconnaissables à leur coiffure et leur pectoral. Ils mesurent plus d’1m80, volontairement plus grands que les soldats ordinaires.
Le conducteur de char est montré dans une position où ses mains semblaient tenir mes rênes de plusieurs chevaux. Il possède une armure avec des plaques attachées à ses avant-bras pour le protéger des attaques de bâton ou d’épée visant ses mains.
Les chevaux de terre cuite devaient à l’origine avoir été harnachés avec des mors métalliques et des rênes. Ces accessoires ont dû être volés. La forme de la bouche des chevaux montrent significativement l’endroit où étaient placés les mors.
La fabrication des guerriers
Les corps des guerriers, fabriqués en argile cuite, ont été réalisés en série avec, à la base, des moules interchangeables. Leur taille est plus grande que la taille réelle des soldats de l’époque. Les officiers sont plus grands que les soldats.
En apparence, chaque personnage est différent, pourtant les corps sont modelés de façon standardisée.
L’argile fine était étalée puis pressée dans les moules poreux en creux. Les parties obtenues étaient ensuite assemblées et terminées à la main.
Les visages sont réalisés à partir de huit moules. L’empereur avait exigé que chaque personnage soit différent. Aussi, les sculpteurs ont affiné les moulages à la main (nez et oreilles entre autres) avant la cuisson.
Ensuite, les personnages étaient peints à partir de pigments mélangés à de la laque. On trouve encore des restes de pigments sur certains soldats.
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Histoire d'une oeuvre / "Le Baiser " de Gustav Klimt (1907-1908)
Huile sur toile - 180 x
La version définitive du tableau occupa plusieurs années de la vie de Gustav Klimt. L’œuvre représente deux humains enlacés.
Il fut d’abord inclus dans la frise intitulée : « Frise Beethoven » dans la section « Un baiser pour le monde entier ».
Le peintre ajouta un autre baiser en 1904 dans une série de peintures murales pour une salle à manger bruxelloise du Palais Stoclet dans un section appelée « Epanouissement ».
Le tableau définitif a été peint à l’apogée de sa période dite « dorée ».
Les motifs décoratifs abstraits représentent des formes autant géométriques que florales. Ils prédominent sur la toile, bien au-delà des deux personnages.
En 1907-1908, le tableau arrive dans une période difficile de la carrière de l’artiste. Il vient de quitter la Sécession viennoise, un courant artistique de la capitale autrichienne qui a connu son heure de gloire de 1892 à 1906. La scission a lieu entre les « naturalistes » (autrement les académiques) et les symbolistes dont faisait partie Gustav Klimt.
Avec plusieurs de ses collègues qui ont quitté le groupe, il organise en 1908 une exposition appelée « Kuntschau » (« Exposition d’art »). Elle est très mal accueillie et c’est une catastrophe financière. Les critiques sont très féroces à son égard.
Juste avant sa fermeture, le gouvernement fait acquisition de la toile du Baiser, jugée d’intérêt national.
Depuis ce temps, « Le baiser » de Klimt est considéré comme un chef d’œuvre de la peinture.
Sa composition
Dans toutes les variations sur le baiser peintes par Klimt, le visage de l’homme reste caché. Le regard est porté quasi exclusivement sur la femme, ici aux yeux clos. Celle-ci semble d’une grande pâleur. Elle rappelle des tableaux représentant des têtes coupées, thème très apprécié des symbolistes.
L’homme épris est debout tandis que la femme est agenouillée (pied saillant). L’homme semble la dominer. Au vu de la mesure des jambes, si la femme était debout, c’est elle qui le dominerait. C’est une des ambigüités du tableau.
Des serpentins s’échappent sous le corps de la femme et couvrent la partie droite du parterre de fleurs. Ces serpentins font peut-être partie de son habillement, mais plus logiquement il semblerait qu’ils représentent des tresses stylisées qui seraient la suite de sa chevelure.
Dans l’art symboliste, les femmes fatales sont souvent représentées avec une longue chevelure pour prendre au piège leurs victimes.
La seule note réaliste du tableau est le parterre de fleurs. Gustav Klimt adorait les fleurs. Il les laissait pousser librement dans son jardin. Il aimait aussi les peindre. Toutefois, sur ses toiles, elles ne sont jamais incluses dans des paysages plus conventionnels. Elles accompagnent les sujets symboliques du tableau.
L’or et la mosaïque
Klimt avait une grande connaissance des arts appliqués. Cela eut des effets indéniables sur son travail de peintre. Son père étant orfèvre, cela lui permit de se familiariser avec ce métier même sans le pratiquer vraiment.
Dans l’œuvre du Baiser, l’artiste utilise un revêtement de poudre dorée pour obtenir cet arrière-plan si particulier, très chatoyant.
Ce goût de Klimt pour les couleurs dorées riches et flamboyantes vient de son intérêt pour la mosaïque. Il l’étudia à Vienne. Sa passion redoubla quand il visita Ravenne en 1903 avec entre autres ses éblouissantes mosaïques byzantines.
A son retour, il adapta ces techniques à son travail de peintre. Cela transparaît évidemment dans « Le Baiser » par ce cocon doré dans lequel sont enveloppés les amants, les séparant du monde extérieur. Les motifs et les riches incrustations évoquent de toute évidence la mosaïque.
Biographie de Gustav Klimt
1876-1892
Klimt a quatorze ans quand il commence son apprentissage à l’Ecole des arts décoratifs de Vienne. C’est au sein même de l’école qu’avec son frère Ernst (1864-1992) Franz Matsch (1861-1942), il crée une société qui réussit à obtenir des commandes pour la décoration de bâtiments à Vienne.
En 1893, leur société a tellement de succès qu’elle décroche une commande pour un ensemble de peintures murales à l’université.
Pourtant en parallèle, Klimt se sent de plus en plus attiré par l’avant-garde.
En 1897, il fait partie des fondateurs de la Sécession, un nouveau courant artistique viennois. Son style nouveau n’est pas du tout apprécié des autorités et il finira par abandonner le projet de décoration de l’université.
Il quitte la Sécession en 1905 suite à des dissensions entre les artistes du mouvement.
Il est à l’apogée de son art. C’est à ce moment qu’il produira ses chefs d’œuvre comme « Le Baiser ».
En 1910, il est à l’honneur de la Biennale de Venise avec une exposition monographique.
Il concevra aussi l’ensemble le plus spectaculaire de sa carrière au palais Stoclet à Bruxelles.
A partir de 1912, il se consacrera surtout à des portraits de jolies femmes, également des paysages.
Il meurt en 1918 d’une pneumonie avant la fin de la première guerre mondiale.
Quelques coloriages à imprimer
"Le baiser " revu et corrigé
Sur une zone de guerre, la tableau prend une toute autre dimension politique et humaniste
Le Baiser, Gustav Klimt
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